Grève – Les parents de l’école communale de Brugelette font face à des suppressions unilatérales de la garderie par l’administration communale. Cette chronique, inspirée d’un échange récent entre une maman et la commune, offre l’occasion d’observer lucidement comment nos institutions peinent à s’adapter aux évolutions de la société d’aujourd’hui.
Grève ACTE I – L’Annonce Fatidique
Lundi 24 novembre 2025, 16h2
Dans les couloirs feutrés de l’administration communale de Brugelette, la Cheffe de projet du Plan de Cohésion Sociale (PCS), frappe les touches de son clavier avec la gravité de celui qui porte une mauvaise nouvelle. Son message, tel un corbeau messager, s’envole vers les boîtes électroniques des parents :
« L’annonce du dépôt d’un préavis de grève… nous contraint de procéder à la fermeture…«
Les mots tombent comme un couperet. Mercredi 26 novembre – dans moins de 48 heures – l’accueil extrascolaire fermera ses portes. La machine administrative, implacable dans sa logique, vient de bouleverser l’équilibre précaire de dizaines de familles.
ACTE II – La Voix de la Révolte Courtoise
Même jour, 19h27
Une maman comme tant d’autres, mais armée de sa plume et de sa détermination, riposte avec l’élégance d’une mère éduquée. Sa réponse, ciselée dans le marbre de la politesse, cache mal une irritation profonde :
« Je me permets d’exprimer mon étonnement... »
Derrière ces formules de courtoisie se dessine le portrait d’une génération prise en étau : celle des parents modernes, jonglant entre carrières professionnelles et responsabilités familiales, découvrant avec amertume que les institutions peinent à suivre le rythme de leurs vies accélérées confrontés aux effets d’une grève..
ACTE III – Le Duel Épistolaire
Mardi 25 novembre, l’escalade
L’employée communale, dans sa réponse, endosse le rôle de la fonctionnaire consciencieuse mais contrainte. Elle déploie l’arsenal classique de la défense administrative : reconnaissance des difficultés, explication des contraintes due à la grève, appel à la compréhension. Son ton, empreint d’une sincérité touchante, révèle une femme prise entre le marteau des usagers et l’enclume de l’institution.
Mais la mère n’entend pas en rester là. Sa seconde missive, se mue en véritable plaidoyer sociologique. Elle dresse un tableau saisissant de la Wallonie contemporaine :
« Aujourd’hui, les réalités familiales et professionnelles ont beaucoup évolué…«
LES PROTAGONISTES EN LUMIÈRE
La Citoyenne Éclairée
Incarnation de la classe moyenne éduquée, elle manie l’art de la protestation constructive. Ses arguments s’articulent autour de trois piliers :
– L’expertise réglementaire : Elle connaît le ROI (Règlement d’Order Intérieur) de l’Acceuil Extrascolaire, cite l’article 5, décortique les procédures
– La vision sociologique : Elle analyse les mutations familiales avec la précision d’une sociologue
– La stratégie diplomatique : Elle critique sans attaquer, revendique sans menacer
L’employée Zélée
Figure tragique de la fonction publique moderne, elle incarne les contradictions du service public :
– La bonne volonté entravée : Elle veut bien faire mais les moyens manquent
– La transparence assumée : Elle reconnaît ses erreurs, explique ses contraintes
– L’impuissance systémique : Elle subit plus qu’elle ne décide
– L’obéissance contrainte : Elle ne peut que se plier aux injonctions de ses supérieurs et du pouvoir politique en place
LES COURANTS SOUTERRAINS
Le Choc des Temporalités
D’un côté, le temps administratif : lent, procédural, tributaire des hiérarchies. De l’autre, le temps familial : urgent, imprévisible, soumis aux contraintes économiques. Ces deux temporalités s’entrechoquent dans un ballet désynchronisé.
La Mutation Silencieuse
Sous l’échange courtois se joue un drame plus vaste : celui d’une société en transformation. Les grands-parents ne sont plus les gardiens disponibles d’antan, les mères ont conquis le monde professionnel, les pères assument leur part éducative. Mais les institutions, elles, peinent à s’adapter à cette révolution silencieuse.
L’Économie de la Débrouille
Cette mère de famille évoque avec une précision chirurgicale le coût de la garde privée : « 10€/h ». Derrière ce chiffre se cache toute une économie parallèle, celle des familles contraintes de pallier les défaillances du service public. Baby-sitters, congés sacrifiés, télétravail négocié : autant de stratégies de survie dans un monde où la solidarité collective s’effrite.
L’ÉPILOGUE INACHEVÉ
Cette correspondance entre deux mondes, dans sa banalité apparente, révèle les fractures profondes de notre époque. Elle nous raconte l’histoire de deux femmes de bonne volonté, prises dans les rouages d’un système qui n’arrive plus à concilier efficacité administrative et besoins humains.
La protectrice de l’enfant et la fonctionnaire ne sont pas ennemies ; elles sont les victimes d’un malentendu profond entre la Commune et ses citoyens. L’une attend de l’institution qu’elle anticipe et s’adapte, l’autre explique pourquoi l’institution ne peut que réagir et subir.
Au final, cette chronique administrative nous laisse face à une question lancinante : comment réinventer le service public pour qu’il accompagne, plutôt qu’il ne contraigne, les mutations de notre société ?
Dans les couloirs de Brugelette, l’écho de ce dialogue résonne encore, porteur d’une vérité universelle : celle d’un monde en quête d’un nouveau contrat social.
Morale de cette fable moderne : Quand l’administration rencontre la vraie vie, c’est souvent la vraie vie qui trinque. Espérons que de ces frictions naissent les étincelles du changement.








