Oui, les sujets flippants sont intéressants. Par exemple, notre page FB sur la remise en état des pistes cyclables de la N56 a touché plus de 1.470 personnes. C’est beaucoup à Brugelette. MAIS, des thèmes moins populaires ont parfois un impact plus déterminant sur notre portefeuille. C’est pourquoi, le sujet aride des intercommunales et de leurs assemblées générales (AG) mérite qu’on s’y intéresse.
1 Les AG et leurs ordres du jour
Lors du Conseil communal du 27 mai 2019, nous avons pris connaissance des OJ (ordres du jours) des prochaines AG (assemblées générales) de 13 intercommunales. Le président de séance a fait la lecture intégrale des 104 points différents à approuver. Assommé par cette lecture fastidieuse, le public à progressivement quitté les lieux. A la fin de la lecture du dernier OJ, la salle était vide.
Je me demandais dans quelle pièce je jouais ? De fait, il est évident qu’il est impossible d’étudier préalablement tous ces points. Aucun Conseiller n’a le temps, la compétence, l’énergie pour s’y pencher. De plus quelle est la place de Brugelette pour oser contredire des institutions guidées par d’éminents spécialistes, du moins supposés comme tels ?
Pourtant, ce sont de petits poissons comme nous qui devons voter !
Les Conseillers ont approuvé tous les points, sauf un seul. J’ai voté contre l’OJ de l’IDETA, plus particulièrement contre le point 8 sur la modification statutaire proposée. Comme chef d’entreprise, je suis routinier des modifications statutaires. J’en connais l’importance. Or le texte proposé par l’IDETA me dérangeait. Mais a ce moment, ma pensée n’était pas encore fixée. Je votais « contre » par prudence pour me donner le temps de la réflexion avant d’agir.
2 AG – Brugelette et l’IDETA
2.1 Etat des lieux
l’IDETA est une des intercommunales dont est membre la commune de Brugelette
L’IDETA compte 25 communes actionnaires. Ces 25 communes réunissent un total de 504 conseillers communaux ayant un mandat « originaire », c’est-à-dire qu’ils sont des élus directs désignés par les citoyens.
Chaque commune actionnaire désigne 5 représentants parmi ses conseillers pour la représenter à l’AG. Cela fait un total de 125 élus disposant d’un « mandat dérivé », c’est-à-dire qu’ils sont désignés par le Conseil communal. Leur avantage est de recevoir les documents préparatoires et de voter aux AG.
Brugelette représente 1/25ième des communes actionnaires. Cette représentation est beaucoup plus faible, car elle doit être tempérée par le nombre d’actions possédées. Cette faiblesse est plus forte car son Conseil communal ne compte que 13 conseillers.
Comme la majorité en place est politiquement hétérogène; ses possibilités d’actions au sein des partis politiques traditionnels sont réduites. Ce sont ces partis qui détiennent les leviers de contrôles dans les intercommunales, car ils se répartissent les postes en fonction des apparentements des Conseillers communaux.
2.2 Pourquoi s’intéresser à l’IDETA ?
En matière de démocratie représentative, c’est un cas d’école intéressant.
Comment un conseiller communal parmi 504 autres, venant d’une commune pesant moins d’ 1/25ième, peut-il exercer son rôle dans le cadre de la démocratie représentative ?
Ce poids très faible explique pourquoi bien des conseillers se sentent impuissants devant l’IDETA. Par le passé, cette intercommunale a subi des critiques, mais elle a continué sa course tel un paquebot insensible aux petits poissons qui heurtent sa coque.
2.3 L’objectif des COMMUNAUX
Notre but n’est pas de critiquer l’IDETA, ni de la mettre en défaut. Notre objectif est de représenter valablement les 452 électeurs qui nous ont fait confiance pour participer à la gestion de la commune de Brugelette.
Tant au niveau opérationnel qu’au niveau financier, l’IDETA est un partenaire important. En 2018, elle a distribué des dividendes qui alimentent les caisses communales. Mais ceux-ci sont diminués par des cotisations d’une somme de 30.126,80 € en 2018.
L’importance de ces cotisations est le point de départ de notre réflexion et donc de notre action.
Le billet n°32 de ce blog reprend la contestation des COMMUNAUX de la modification statutaire proposée par l’IDETA. Même si la modification a été approuvée par l’AG du 28-06-2019, le sujet n’est pas clôt. Nous y reviendrons plus tard dans un autre billet.
Dans le présent billet nous abordons deux aspects du fonctionnement des AG. Un consiste à examiner le droit d’interpellation en AG. Un autre est de s’interroger sur la manière d’approuver les OJ.
3 Le droit d’interpellation en AG
Lors de l’AG du 28-06-2019 de l’IDETA, malgré la correspondance échangée, le bureau a passé sous silence notre contestation du point 8 « Modification statutaire ». Durant tout le point 8, j’ai gardé le silence pour voir s’il allait évoquer notre contestation. Il n’a rien dit excepté que Brugelette a voté contre … sans plus.
Au moment de passer du point 8 au point 9, j’ai dû m’imposer pour pouvoir prendre la parole. J’avais préparé un texte court exposant notre position. A plusieurs reprises le président et le directeur général ont tenté de me faire abréger mon texte , soit en me demandant explicitement de ne pas ralentir le déroulement de l’assemblée, soit de m’interrompre au motif que mon texte est politique.
J’ai tenu bon, mais sous la pression j’ai accéléré le débit de parole et en disant à plusieurs reprises « et maintenant je termine » afin de gagner du temps. Vu le débit de parole, je ne suis pas certain que tout le monde ait compris mon intervention.
Il n’y a pas eu de débat, ni de réponse aux questions soulevées. Le président à clôt l’intervention en disant que Brugelette est la seule commune parmi les 25 autres qui a émis un vote négatif. En clair, nous ne pesons pas bien lourd dans la décision de l’assemblée.
Que notre position soit minoritaire ou ultra minoritaire … la remarque du président amène à se poser des questions sur le fonctionnement légal d’une AG d’actionnaires.
3.1 Quels sont les règles dans le Code de droit des sociétés (ancien et applicable en l’espèce) ?
L’article 412 du Code des sociétés règle le droit d’information des associés, lequel réserve le droit à tout associé individuellement, qu’il soit majoritaire ou minoritaire, de poser des questions aux administrateurs et commissaires. Cet article correspond à l’article 5:91 du nouveau code des sociétés.
La règle s’applique à l’intercommunale IDETA étant donné que ni le décret du 5 décembre 1996 relatif aux intercommunales wallonnes, ni les statuts de l’IDETA n’y dérogent.
3.2 L’exercice de ce droit d’interpellation
Ce droit d’interpellation s’exerce précisément dans le cadre d’une AG, qu’elle soit ordinaire ou extraordinaire. Il permet aux associés de poser des questions en relation avec les points portés à l’ordre du jour.
Les administrateurs sont tenus d’y répondre et ce, de manière précise, pertinente et exacte. Cette obligation vise non seulement à permettre aux associés de disposer de toute l’information nécessaire pour participer en connaissance de cause aux délibérations et aux votes et influencer éventuellement les autres associés, mais également pour contrôler la politique menée par le conseil d’administration (O. Ralet et P. Kileste, Droits et protection de l’actionnaire minoritaire, R.D.C., 1989, p. 838)
3.3 Quelles questions peuvent-elles être posées ?
Les questions posées peuvent se rapporter, notamment, à la stratégie à moyen terme et à la politique générale de l’entreprise (B. Tilleman, L’obligation au secret et à la discrétion des administrateurs des sociétés, J.T., 1993, p. 554)
Il faut néanmoins que les questions posées aux administrateurs ne soient pas de nature à porter gravement préjudice à la société, aux associés ou au personnel de la société.
Par ailleurs, le simple fait que les questions soient embarrassantes ou désagréables ne peut suffire pour qu’apparaisse un préjudice grave et pour que les adminsitrateurs puissent se retrancher derrière leur devoir de réserve (Prés. Comm. Gand, 14.11.1997, T.R.V., 1998, p. 59, J.D.S.C., 2000, p. 113, n° 152)
3.4 L’atteinte au droit d’information
En pratique, lors de l’AG, il pourrait être considéré comme atteinte au droit d’information le fait de mettre fin de manière arbitraire aux questions-réponses par un vote majoritaire, lequel serait de nature à empêcher les minoritaires d’exercer leur droit de poser des questions, l’assemblée ne pouvant que difficilement se prononcer sur l’opportunité d’une réponse qu’elle ne connait pas encore.
3.5 La nullité des décisions de l’assemblée générale
La sanction la plus efficace de la méconnaissance de ce droit d’interpellation est la nullité des décisions de l’assemblée générale sur base de l’article 64, 1° du code des sociétés, lequel règle la question des vices de forme (art. 2:34 du nouveau code des sociétés)
Cette règle permet, entre autres et indirectement, au demandeur en nullité, si des motifs graves le justifient, de solliciter en référé la suspension provisoire de l’exécution de la décision litigieuse, et ce, sur base de l’article 179 du Code des sociétés, ou encore l’injonction aux adminitrateurs de répondre à la question lors d’une assemblée nouvelle, sous peine d’astreinte (Cass., 10.03.1977, R.P.S., 1977, p. 187 et note F. Bauduin)
3.6 La responsabilité des administrateurs, gérants et commissaires
Il est également possible, avec moins de chance de succès néanmoins, d’engager la responsabilité des administrateurs, gérants et commissaires. Il faudra alors prouver un préjudice subi, ce qui peut être fastidieux, notamment pour un actionnaire minoritaire.
Conclusion : Le bureau se doit de répondre aux questions d’un actionnaire, même si ces questions sont dérangeantes. Dans la mesure où le déroulement de l’AG ne s’est pas faite dans le respect des dispositions réglementaires, Michel NIEZEN est en droit de réclamer la nullité du vote du point 8 de l’ordre du jour.
4 Les décisions anticipées et les AG
Dans la convocation à l’AG du 28-06-2019, l’IDETA propose un modèle type de délibération à prendre en Conseil communal bien avant la tenue de l’AG elle-même. Sur 25 communes, 23 ont souscrit à cette manière d’agir. Certains ont approuvé l’OJ de l’AG plus d’un mois à l’avance.
Mais que se passe-t-il si entre temps un fait nouveau intervient qui remet en cause une des décisions déjà prises ? Cette manière de décider n’est-elle pas en contradiction avec le principe de souveraineté de l’AG ?
4.1 Les règles du Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation
Les règles relatives au fonctionnement de l’assemblée générale d’une intercommunale sont reprises aux articles L1523-7 à L1523-14 du CDLD (Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation).
Entre les délibérations préalables en Conseil communal et les décisions en Assemblée générale, ces dispositions n’envisagent pas l’hypothèse d’un fait nouveau.
4.2 Les décisions préalables
L’article L1523-12, al. 2 à 4 se borne à faire une distinction selon que le conseil communal a ou non préalablement délibéré sur les points qui figurent à l’ordre du jour de l’AG, sans pour autant soulever la question d’un éventuel nouveau fait entre la délibération et la décision.
Si le conseil communal a délibéré sur le point inscrit à l’ordre du jour, les délégués doivent rapporter cette position à l’assemblée générale, dans la proportion des votes intervenus au sein du conseil. Dans ce cas, la présence d’un seul délégué suffit et son vote vaudra pour l’ensemble des voix détenues par la commune.
Si le conseil communal n’a pas délibéré, chaque délégué vote dans le sens qu’il entend. Si un seul délégué est présent, son vote ne vaudra que pour un cinquième des voix dont dispose la commune, les voix des délégués absents étant dès lors perdues.
Cette disposition vise à encourager et à renforcer l’implication des communes dans les décisions prises à l’AG.
Conclusion: Pour que le vote pris préalablement en Conseil Communal soit valable, il faut au moins un Conseiller communal présent à l’AG. La décision préalable a pour effet collatéral – pour ne pas dire pervers – de cadenasser les décisions prises en conseil communal bien avant l’AG de l’intercommunale. La législation ne règle pas la question du fait nouveau.
Par conséquent, si un conseiller apprend ce fait nouveau en AG et si son conseil communal a déjà approuvé l’OJ, il lui est interdit de changer de position.
Dès lors, dans ce contexte précis, à quoi sert l’AG de l’IDETA puisque tout est décidé à l’avance ?
(s) Michel Niezen
Conseiller communal à Brugelette